Pour une approche critique de la notion de gauche en France (II).
(5) Comment une personne élabore-t-elle son positionnement politique ? Par delà les déterminants socio-économiques, évidemment fort puissants, une honnête personne du XIXème siècle examinait les thèses, propositions, actions, des politiciens, et les passait au crible de ses critères moraux. Elle disait: « c’est bien, c’est bon », ou: « c’est mauvais, c’est mal » (que ce soit au regard de sa morale apprise, reçue de la tradition, ou selon sa morale intime, kantienne). C’est bon, je suis d’accord, ou bien c’est mauvais, et je désapprouve. Et en fonction de la somme de ses choix, elle trouvait sa place dans un camp ou dans un autre. Si elle trouvait bon l’ « ordre » établi, et mauvaises les nouveautés du « mouvement », elle était et se reconnaissait « de droite », si elle trouvait bon le « mouvement » qui s’annonçait et mauvais le « désordre établi », elle était et se reconnaissait « de gauche ». (Pour réduire les « dissonances cognitives » éventuelles, comme disent les psycho-sociologues, la notion de « mal nécessaire » pouvait être bien commode et utile).
(6) Tout cela s’est trouvé mis en question par la suite pour deux raisons: d’une part le flux puis le reflux du communisme, qui modifie les conditions psychologiques de l’engagement politique (dans un sens « totalitaire »), d’autre part le discrédit de la morale, même kantienne, dans la vie sociale en général, dans la vie politique en particulier. (Les deux raisons sont liées; mais il est commode de les conserver distinctes ici; l’islamisme provoque à présent le même genre de perturbation par rapport à l’esprit des Lumières, mais dans une configuration différente).
(7) De sorte que (sautons à pieds joints sur le XXème siècle) de nos jours beaucoup de personnes se demandent: « Suis-je de droite ? Suis-je de gauche ? », et répondent moins par une décision réfléchie sur la base d’une somme de délibérations à caractère moral, que par une adhésion de type quasi-esthétique, et ensuite seulement prennent position, sur tel ou tel sujet, en fonction de la couleur de leur engagement et de ses conséquences supposées. On est « de gauche » parce que dans tel milieu il est, non pas « bien » (Vade retro moralitas !), mais « branché » d’être de gauche et « ringard » d’être de droite (ou l’inverse, bien entendu). Une fois établi qu’on est, mettons, de gauche, alors on adopte les positions qui sont censées aller avec « la gauche », en rejetant celles qui sont supposées « de droite ». Par exemple il est admis (par la « conventional wisdom »), et « bien connu », tout le monde sait ça, que la droite est pro-répression et la gauche anti (« à bas l’Etat policier ! »), que la droite a le monopole de l’ordre, que la droite est militariste donc la gauche absolument contre la chose militaire, etc. etc.
(8) D’où l’affolement devant certaines positions de S.R., par exemple l’ « ordre juste » qui paraît à beaucoup une insurmontable contradiction dans les termes… Que l’idée d’ordre, même juste, puisse être mise en avant par la candidate de gauche fait crier les uns au braconnage, les autres au reniement.
(9) Mais surtout il est demeuré, de l’attraction du communisme pendant un siècle, l’idée que la droite est capitaliste et la gauche collectiviste: tout ce qui est connoté « économie de marché » ou « libéralisme » est de droite, et seule l’opposition à tout ce qui peut évoquer ou rappeler l’ « économie de marché » et « le libéralisme » est de gauche (seule concession à l’air du temps: on ne dit plus guère « capitalisme » et « planification autoritaire » (mais certains le pensent toujours très fort).C’est à cette idée fausse qu’il va falloir s’attaquer.
(à suivre)
(6) Tout cela s’est trouvé mis en question par la suite pour deux raisons: d’une part le flux puis le reflux du communisme, qui modifie les conditions psychologiques de l’engagement politique (dans un sens « totalitaire »), d’autre part le discrédit de la morale, même kantienne, dans la vie sociale en général, dans la vie politique en particulier. (Les deux raisons sont liées; mais il est commode de les conserver distinctes ici; l’islamisme provoque à présent le même genre de perturbation par rapport à l’esprit des Lumières, mais dans une configuration différente).
(7) De sorte que (sautons à pieds joints sur le XXème siècle) de nos jours beaucoup de personnes se demandent: « Suis-je de droite ? Suis-je de gauche ? », et répondent moins par une décision réfléchie sur la base d’une somme de délibérations à caractère moral, que par une adhésion de type quasi-esthétique, et ensuite seulement prennent position, sur tel ou tel sujet, en fonction de la couleur de leur engagement et de ses conséquences supposées. On est « de gauche » parce que dans tel milieu il est, non pas « bien » (Vade retro moralitas !), mais « branché » d’être de gauche et « ringard » d’être de droite (ou l’inverse, bien entendu). Une fois établi qu’on est, mettons, de gauche, alors on adopte les positions qui sont censées aller avec « la gauche », en rejetant celles qui sont supposées « de droite ». Par exemple il est admis (par la « conventional wisdom »), et « bien connu », tout le monde sait ça, que la droite est pro-répression et la gauche anti (« à bas l’Etat policier ! »), que la droite a le monopole de l’ordre, que la droite est militariste donc la gauche absolument contre la chose militaire, etc. etc.
(8) D’où l’affolement devant certaines positions de S.R., par exemple l’ « ordre juste » qui paraît à beaucoup une insurmontable contradiction dans les termes… Que l’idée d’ordre, même juste, puisse être mise en avant par la candidate de gauche fait crier les uns au braconnage, les autres au reniement.
(9) Mais surtout il est demeuré, de l’attraction du communisme pendant un siècle, l’idée que la droite est capitaliste et la gauche collectiviste: tout ce qui est connoté « économie de marché » ou « libéralisme » est de droite, et seule l’opposition à tout ce qui peut évoquer ou rappeler l’ « économie de marché » et « le libéralisme » est de gauche (seule concession à l’air du temps: on ne dit plus guère « capitalisme » et « planification autoritaire » (mais certains le pensent toujours très fort).C’est à cette idée fausse qu’il va falloir s’attaquer.
(à suivre)
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