Opinions diversement congrues de Melchior Griset-L

Thursday, February 28, 2008

A propos de la rétroactivité des lois.



L’affaire de la rétention qu’on pourrait appeler « post-préventive », proposée par Sarkozy et différée par le Conseil Constitutionnel, appelle une précision juridique.
Le Droit français n’est pas favorable à la rétroactivité des lois, d’une façon générale.
Mais il faut distinguer les lois dans toutes les branches du Droit sauf une et les lois pénales.

La rétroactivité est refusée dans le premier cas par le Code civil:

« Art.2 La loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Mais cet article 2 a lui-même le statut d’une loi. « Ce qu’une loi peut faire, une loi peut le défaire ». Pour déroger à cette interdiction, il suffit que la loi qu’on veut rétroactive dispose elle-même de son caractère rétroactif (ce que le législateur ne fait pas de façon habituelle).

La rétroactivité est refusée dans le second cas non par une simple loi mais par la Constitution, et non par une simple disposition constitutionnelle, qu’on pourrait amender lors d’une révision à Versailles, mais par un principe constitutionnel fondamental, contenu dans l’article 8 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789:

« Art. 8. -
La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

Cette règle ne peut pas être abrogée ou contournée.

NB. On admet cependant que ces lois pénales peuvent être rétroactives dans leur application, si les dispositions qu’elle contient sont moins sévères que les anciennes.

En résumé, une loi peut être rétroactive, à condition de le préciser explicitement, sauf la loi pénale, qui ne peut l’être en aucun cas (sauf pour les dispositions « plus douces »).

Dans le cas qui nous occupe, pour maintenir hors d’état de nuire la trentaine annuelle de criminels libérés non amendés, il faut leur appliquer des mesures qui ne relèvent pas du Droit pénal, et qui concilient deux principes constitutionnels de tout premier plan: la liberté et la sûreté. (art 2 de la DDHC 89:

« Art. 2. -
Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »

) L’application de ces mesures devrait être contrôlée non par le juge de l’application des peines, mais par le juge des libertés.

NB. D’après son ancien président M. Mazeaud (interview au Nouvel Observateur) le Conseil Constitutionnel s’est lui même plus qu’un peu pris les pieds dans le tapis…


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Monday, February 04, 2008

Interruption.

Devant m’absenter quelques jours, je sais bien que je vais vous manquer, les gens, mais quoi…

Voici trois sites à ne pas négliger:

« Le libéralisme pour les débutants» http://www.dantou.fr/ (au bas de la page "tango"...)
Bonne introduction au libéralisme idéal, stylisé (c’est agréable à lire et sympathique comme du Stuart Mill)

« Le monolecte » d’Agnès Maillard
Analyses évidemment d'un ton très différent, parfois fines, en billet et imprécations alter-rigolotes en commentaires.

« Zizule, mon nez et mes lunettes »
Aperçus d’écologie générale, très utiles pour une écologie politique digne de ce nom.


Et toujours ce triple et terrible écheveau à démêler: l'urgence écolo, le sous-développement, la pagaille économique.

A bientôt j’espère (zitiömöbrèdöfie, comme dit Benoa).



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Saturday, February 02, 2008

Réponses à Color Vermell.


Je réponds à une question et à quelques affirmations de Color Vermell.




"Qu'est-ce pour vous que le Socialisme, Melchior ? Qu'est-ce qu'un socialiste ? Vous sentez-vous socialiste ?"




Laissons le "socialisme utopique" sur les rayons des bibliothèques.




Je ne me sens pas non plus "socialiste en peau de lapin" comme on appelait les vieux-socio-démocrates genre Guy Mollet: programme maximum pour les discours de banquet, programme mini-minimum pour les combinaisons avec les partis de droite.




Je suis de ceux qui pensent que le "socialisme scientifique" a été une erreur, qui a conduit les travailleurs non vers leur émancipation, mais dans une impasse monstrueuse et tragique. On peut saluer ceux qui ont de bonne foi fait cette erreur en leur temps, mais certainement pas féliciter et encourager ceux qui y persévèreraient encore de nos jours.




Il y a un quatrième sens: le mot peut continuer à désigner l'ensemble des courants politiques qui, sans concession à l'utopie ni recours à une pseudo-scientificité, se réfèrent à un idéal d'émancipation des travailleurs et de toute l'humanité, de justice sociale, de progrès de la société humaine (et de liberté de chercher le bonheur pour les individus qui la composent). Pour m'identifier à ces courants, je veux bien conserver l'étiquette. Comme dit... le Dalaï Lama (l'Obs de cette semaine): "En politique, soyez socialiste".




"Le tout-marché par la voie ultra-libérale est une aberration".




Pleinement d'accord. Une aberration historique qui fait pendant à l'autre (le Plan autoritaire avec système politique totalitaire). A la limite on est dans la tautologie: il n'y a pas d'autre voie que l'ultra-libérale pour le tout-marché, et celui-ci est l'abourtissement de la voie ultra-libérale.




"Quant aux solutions, Engels dit clairement que la Révolution précède la dictature du prolétariat. Lénine en fait un relais très explicite dans "L'Etat et la Révolution"."




Oui, ils le disent (mettons "instaure" au lieu de "précède"). On n'est pas forcé de les suivre... L'idée qu'une révolution sociale est nécessaire pour refaire et compléter la révolution dite "bourgeoise" me paraît plus idéologique que scientifique. Je pense pour ma part que la transformation sociale peut (doit) s'envisager par des réformes dans le cadre de la démocratie libérale pluraliste. (Celle-ci a au moins le mérite de nous laisser la latitude d'en discuter !) Quant à la dictature du prolétariat, elle a une fâcheuse propension à se transformer en dictature (combien féroce !) sur le prolétariat. Il y a une insuffisance d'analyse des théoriciens marxistes sur ce point Même Trotski n'a vu dans la "révolution trahie" en URSS que le résultat exceptionnel de conditions particulières... Des penseurs comme Castoriadis et Lefort sont, en partant du marxisme, allés plus loin dans l'analyse.


"A ce jour tous les ingrédients sont présents dans le monde pour déstabiliser et détruire le Capital".



Je suis d'accord pour réduire et contrôler le capitalisme financier, et pour réformer profondément, dans un sens favorable aux travailleurs, les marchés de la force de travail. Mais "détruire le Capital", je ne sais pas ce que cela veut dire. Dans toute société moderne, il y a production d'un "produit nécessaire" et d'un "surproduit social", masses de valeur qui constituent un Capital amené à se reconstituer, élargi, de génération en génération. Cela a commencé bien avant l'émergence du capitalisme et continuera encore très longtemps, sauf catastrophe écologique majeure et fatale...


D'accord enfin avec Fanch pour dire que la "démocratie ouvrière" est un enjeu crucial, à condition de ne pas donner à "ouvrière" un sens restrictif. Il ne doit pas s'agir de limiter la démocratie libérale pluraliste, mais au contraire de l'élargir.



NB. Colin Folliot publie en ce moment un exposé sur Friedrich Engels.