Opinions diversement congrues de Melchior Griset-L

Saturday, October 28, 2006

L'Etat ce sera moué parce que je suis très doué.

Jusqu'au soir du Zénith, j'hésitais à m'en prendre à "DSK c'est exquis"; je partage beaucoup de ses idées. Mais j'ai deux choses - trois depuis le Zénith - à lui reprocher.

Premier reproche: l'ampleur des ambitions, la boulimie de pouvoir. Il veut à la fois être Président et son propre Premier ministre, et le Ministre de la chose économique et sociale et de tout ce qui s'y rattache: dans la maison il veut la cave, le grenier, ce qu'il y a entre les deux et tout autour, plus le garage et la niche du chien. L'Etat, c'est moué, disait Louis 14, qui n'a pas laissé que de bons souvenirs. Encore L14 n'était-il pas à proprement parler un jacobin...

Deuxième reproche: l'étroitesse des conceptions, l'anorexie intellectuelle. DSK est un très bon économiste à l'ancienne, qui maîtrise très bien toute l'étendue du clavier. Mais à lui comme à Rocard, l'idée d'avoir une approche qualitative (et non plus quantitative) de la croissance apparaît comme une absurdité. On l'a bien vu lors du premier débat télévisé: le souci de Ségo ère d'adosser la future croissance au développement durable et au respect de la personne humaine et de son environnement apparaît comme une incongruité: ça n'a rien à faire dans nos équations...

Troisième reproche: il y a quand même une grosse zone d'ombre dans l'héritage social-démocrate: c'est l'aspect magouillard-combinard. J'ai peur que le candidat à la candidature ne soit un peu complaisant - on veut croire que c'est par paresse plus que par perversité - avec les mauvaises habitudes de militants issus d'anciennes mafias et camarillas qui le soutiennent (insinuations sur le rapprochement entre thème de la nation et socialisme, sur l'assimilation des jurys populaires à... Pol Pot (!), composition de claques en salles de meetings, qui savent admirablement à quel moment il faut "faire le brouhaha"... tout cela ne sent pas très bon). La fin se justifie par les moyens, et ne les justifie pas toujours.

Un vrai social-démocrate du XXIème siècle devrait savoir quitter ces mauvaises habitudes, adopter plutôt une vision écologique et (osons ce gros mot) libérale (au sens keynésien).

Thursday, October 26, 2006

L'écharpe et le chapeau.

Fabius fait la même chose que Sarko (sauf que c'est le contraire). Sarko s'installe vigoureusement à droite, lorgnant et guignant les électeurs de ce camp-là, surtout vers l'extrême. Ensuite, investiture acquise, il reviendra vers le centre pour se constituer une majorité, dont le centre de gravité sera à droite.

Fabius tient un discours "résolument de gauche", susceptible de séduire les extrême-gauches, puis, quand il sera raisonnablement sûr de leur soutien, il reviendra vers le centre pour se constituer une majorité dont le centre de gravité sera situé... vers le centre, au mieux le centre- gauche. Eh oui, droite et gauche ne sont pas symétriques.

Après quoi, s'il revenait au pouvoir, il prendrait sans nul doute quelques bonnes mesures, et alors: "On a bien commencé le travail, les gars, maintenant on fait une petite pause..." Les discours "résolument à gauche" sont toujours suivis d'une "petite" pause, pour les meilleures des raisons, une fois les places conquises (1936, 1956, 1982, 1991, 2001 même...).

Avec cette perspective, Fabius se croit fidèle aux enseignements de Mitterrand. C'est celui-ci qui lui a fait la leçon avant 1981: "On fait le plein à gauche, on entraîne avec nous les gros bataillons de la classe ouvrière influencés par le PCF, ensuite on gagne au finish sur le centre, enfin on gouverne comme on peut et on essaie de durer, faites-moi confiance, je sais faire."

L'ennui, c'est que nous ne sommes plus en 1981. Le PCF était alors à plus de vingt pour cent des voix, le mur de Berlin toujours debout, la perspective de plumer la volaille avait encore un sens. De nos jours, il n'y a plus de grosse volaille à plumer, seulement de tous petits ortolans pour ceux qui aiment ça (et d'ailleurs c'est interdit). Il y aurait beaucoup à dire sur l'amenuisement du camarade Grand Méchant Loup, qui s'en prenait aux grands monopoles, en Madame "J'ai envie d' dire gravé dans l' marbre", qui n'aime pas la concurrence libre et non faussée; mais laissons cela pour une autre fois.

Et puis, la gauche est déjà revenue au pouvoir plusieurs fois, on ne trompe plus le peuple avec des beaux discours d'animateur de banquets républicains. Sous peine d'être en retard de plusieurs guerres, il faudrait savoir l'écouter, le peuple, et reformuler ses attentes, même quand il n'est plus spontanément "bien-pensant" (s'il l'a jamais été).

La gauche bien-pensante a fait son temps, place à la gauche pragmatique. (J'entends d'ici les hurlements des guesdistes contre mon jauressisme...). Cela dit, Fabius est encore jeune, il peut encore apprendre; il a trois ans de moins que n'en aura Ségo à la fin de son deuxième mandat.

Sunday, October 22, 2006

La preuve par Bourdieu.

Je veux bien croire que Ségolène Royal est une affreuse et méchante sorcière, qui a pour ambition de détruire le PS, la gauche, la France, l'Europe et le monde, et qui, arrivée à l'Elysée en chaise à porteurs balladurienne, en partira, mission infernale accomplie, à cheval sur un balai. Tant de gens le disent... Il doit bien y avoir quelque chose...

Mais la "preuve" apportée par la désormais célèbre vidéo-Bourdieu n'est pas très satisfaisante. L'excellentissime, savantissime et languedevipérissime défunt professeur au Collège de France nous le dit tout net: primo la meuf à Fanfan elle est de droite par habitus, deuxio la meuf à Fanfan à l'âge de vingt-huit ans elle avait pas encore tourné à gauche.

Sur le premier point: c'est absolument irréfutable. Le raisonnement de PB est implacable: "Euh... bof... enfin... bon... pour moi c'est évident, quoi..." Que répondre à cela ? L'opium fait dormir parce qu'il a une vertu dormitive, et de la même façon Ségo est de droite, et voilà pourquoi votre fille est muette. Rien à redire. C'est une vérité établie.

Sur le deuxième point, c'est vrai qu'elle était pas précoce, la môme. A titre de comparaison, à cet âge-là, voyons voir...

Victor Hugo: 1830, cesse d'être légitimiste, devient orléaniste (c'est toujours royaliste). Oui, bon, c'était Hugo, pas ?

Essayons Mitterrand. 1943. Encore pétainiste ou déjà résistant républicain ? En tous cas, pas "de gauche", ni "socialiste"... Oui, ben, c'était Mitterrand, hein, c'est spécial...

Une valeur sûre, plutôt. Léon Blum. Wikipédia nous dit: né en 1872, adhère à la SFIO en 1902. Trente ans bien sonnés ! Quant à l'habitus, on vous dit pas... (grand bourgeois, vaisselle d'or, et patati et patata).

Alors, Jaurès ? Vingt-huit ans en 1887. Député républicain (même pas radical) en 1885. Battu quatre ans après, il devient alors socialiste. Donc vers trente-deux ans...

A propos, on fait grief à notre sorcière d'avoir pour véritable prénom Marie-Ségolène. Oh le vilain habitus. Sait-on que Jaurès était pour l'état-civil Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès ? On reproche à la jeteuse de sorts funestes d'être la fille d'un colonel. Sait-on que Jaurès était le neveu d'un amiral ? La légende (que je viens d'inventer) veut qu'une jeune Nolwenn ait demandé un jour au tonton marin s'il était sûr de savoir la différence entre babord et tribord. Il lui répondit assez vertement, et cela lui fut reproché...

Saturday, October 21, 2006

Entrons dans le vif du sujet.

Si nous nous donnons rendez-vous au siècle prochain, au train où vont les choses, il n'est pas sûr que beaucoup de présents s'y retrouvent. A quoi utiliser au mieux ses forces d'ici là ? Il n'est peut-être pas mauvais de prendre le temps d'y réfléchir. Ce à quoi nous allons nous employer.