Opinions diversement congrues de Melchior Griset-L

Sunday, December 23, 2007

En France, on a des idées, dit-on.

Ga(i)elle commente mon billet de l'autre jour sur la décroissance, en proposant 1. la décroissance du nucléaire, 2. la décroissance des idées de droite au profit de celles de gauche...

Pour les idées, cela relève moins de l’économie que de cette nouvelle discipline qu’est la « mémétique » (plus de 4500 occurrences chez go*ogle), mais j’y reviendrai bientôt.

Pour le nucléaire, la question est délicate. Il s’agit d’une branche d’investissement, non d’un produit de consommation. Il faut aller voir « en aval »: peut-on envisager une décroissance de la consommation d’électricité, pour les 10 milliards d’êtres humains qui vont bientôt peupler la planète ? Espérer tout au plus une modération de la croissance.

On doit mettre le paquet sur les énergies renouvelables, et sur les économies d’énergie, mais cela ne suffira pas pendant toute une période transitoire, de plusieurs décennies, où l’on devra s’accommoder d’une montée en puissance des énergies non renouvelables. Charbon et pétrole, ou nucléaire ? La principale objection au nucléaire (civil !), c’était les déchets et la répugnance à les léguer à nos descendants. Mais on a finalement pris conscience que l’objection est la même au charbon et au pétrole, grands émetteurs de CO2, danger encore plus pressant.

Il faut conclure que la croissance du nucléaire est à modérer de façon concertée à l’échelle mondiale, qu'on doit de la même façon favoriser le développement des énergies renouvelables (y compris consentir de gros investissements pour la recherche de la fusion nucléaire). Comme on ne peut plus, en ces matières, bricoler seul dans son coin, nous avons besoin de plus de croissance et de plus de mondialisation et non l’inverse.

On a toujours affaire à la dualité: éthique de conviction - éthique de responsabilité. La première nous pousse à revendiquer: « finissons-en au plus vite avec le nucléaire »; la seconde répond: « au plus vite, qu’est-ce à dire ? Quel est le moins mauvais compromis en termes de souffrances humaines ? » C’est moins exaltant mais plus raisonnable.









Tuesday, December 18, 2007

Ça se confirme…

Je ne déteste pas m'amuser, mais quand je surnomme Qui-l'on-sait Talonnette III, je suis pour ma part on ne peut plus sérieux. Ce à quoi nous assistons ressemble énormément à la "prise du pouvoir par Talonnette Ier" (voir le film de Rossellini). T3 occupe le terrain médiatique comme T1 (et aussi T2 dans un autre style) l'a fait avant lui. Heureusement, la période historique n'est pas la même, et il n'est ni esclavagiste ni monarque absolu: les dégâts seront moindres qu’avec ses deux désastreux prédécesseurs, de sinistre mémoire (je sens que je vais me faire des amis chez les monarchistes et les bonapartistes, tiens !).

Monday, December 17, 2007

Mieux vaut tard que jamais.

Une bonne nouvelle: le PS vient enfin d'admettre lors du deuxième "forum de la rénovation" (voir Le Monde, daté 16-17 XII p:10), que l'économie de marché est incontournable, que nous sommes "dans la mondialisation", et donc que le problème est de savoir comment s'y prendre pour civiliser "le marché", comme on dit, non pas le laisser saccager nos vies et notre environnement, non pas le tuer pour l'empailler, mais le domestiquer.
L'"économie de marché économique et sociale", c'est ce que je défends ici depuis, hum, "toujours" !
Un bémol (souligné par l'auteur de l'article, J.M. Normand, fin connaisseur du PS): le consensus s'est trouvé trop facilement pour qu'on soit sûr qu'il est significatif.

Wednesday, December 12, 2007

Pour excuser la lenteur de mes travaux.




Mes nombreux et fidèles lecteurs se demandent parfois ce que je fabrique, au lieu de travailler à mes élucubrations sur l’économie de marché, qu’ils attendent avec impatience, et qui avancent à pas de tortue.

Si on voulait bien me laisser travailler tranquille, l’avancée de ce monument de la pensée se ferait plus vite. Mais je suis continuellement interrompu pour des broutilles.

Tiens, l’autre jour, c’est le Roi des Belges qui m’a appelé en consultation au château de Laeken, longuement entretenu de la grave crise qui paralyse son royaume, et demandé conseil.

Après beaucoup de transpiration (les poêles belges sont très bons), un peu d’inspiration (l‘air belge est parfois très pur et dégage le cerveau), et beaucoup de dégustation (les chocolats royaux sont excellents), j’ai trouvé ce qu’il fallait faire.

J’ai mis sous les z’augustes z’yeux l’article premier du Projet de Constitution d’Evo Moralès:

« La Bolivie est un Etat unitaire plurinational communautaire social de droit, libre, décentralisé, autonomiste, indépendant, souverain, démocratique et interculturel. »
(voir Le Monde du 11.12.07, p: 7)

- Il suffit (lui dis-je) d’enlever « olivi » et d’écrire « elgiqu », et le tour est joué. En version flamande, ça devrait être encore plus beau.

Le Roi m’a regardé d’un drôle d’air, je trouve; mais il m’a remercié avec chaleur et reconduit jusqu’au perron:
- Je ne vous retiens pas, je sais que vous travaillez dur.

Hélas, si seulement c’était pour gagner plus.

PS. Sur les questions boliviennes et alentours, voir l’ouvrage de référence:
Boris Vian. Troubles dans les Andains. (Un peu ancien cependant).


Thursday, December 06, 2007

L’économie de marché (I)





Si l’on ne s’en remet ni à la loi du plus fort ni à l’arbitraire administratif pour réguler la vie économique (c’est-à-dire: la production, la répartition, la consommation et l’accumulation des « richesses »), alors il faut passer par les institutions de l’économie de marché.

Il n’y a d’ailleurs guère moyen de faire autrement quand le niveau de développement de la société a dépassé la pénurie générale (sans pour autant atteindre l’abondance), cela grâce à la division du travail, qui permet une grande amélioration de la productivité mais suppose des instruments de régulation et de coordination.

On dit « le marché », en réalité il y en a une multitude, autant que de marchandises différentes, et interconnectés. Et quand on s’en prend de façon polémique à la « dictature du (ou des) marché(s) », en fait c’est après les marchés financiers qu’on en a, qui sont au sommet de la pyramide, au stade actuel du capitalisme.

Ici je vais être un peu abstrait: le marché est le lieu théorique de rencontre de l’offre (rentable) et de la demande (solvable), où se déterminent le prix d’équilibre et la quantité échangée, en confrontant les valeurs d’usage de la marchandise et en fixant la valeur d’échange de celle-ci. (Ouf !)

Un exemple au moins sera le bienvenu, mais bien difficile à fournir, car le propre de toute marchandise est de ne pas être « une marchandise comme les autres » (sinon elle ne présenterait pas d’intérêt spécifique pour le demandeur, et n’exigerait pas de compétences particulières de l’offreur); et tout marché concret s’écarte donc du marché abstrait, théorique.
Essayons pourtant…

(à suivre)

Wednesday, December 05, 2007

Décroissance ou développement durable.

(petite digression pas inutile)

Evoquer la « décroissance » comme réponse aux maux de cette planète et de ses habitants, c’est hérisser les économistes, presque toutes tendances confondues, pour qui décroissance veut dire diminution de la valeur produite, consommée, répartie, accumulée. Cela ne semble pas du tout aller dans le sens du but recherché: prospérité économique et sociale dans l’équilibre écologique retrouvé.

On a besoin de plus d’eau potable, de plus d’énergie, de plus de soins médicaux, de plus de services éducatifs et d’instruments de loisirs, de plus de nourriture même. Et de beaucoup plus de moyens pour les produire tout en diminuant le temps de travail de chacun.

Sans doute tendons-nous à être trop nombreux. Mais pour stabiliser la population, la délicieuse méthode Malthus-Gandhi ne suffit pas, à l’évidence; il faut plus de moyens contraceptifs et plus de moyens de production et d’information pour les produire et populariser… On obtient aussi de bons résultats, et une « transition démographique » plus sûre, par l’augmentation du niveau de vie et l’éducation: cela suppose davantage de biens de consommation, et non pas moins.

Et tout cela demande plus, et non pas moins, d’investissements en recherche et développement scientifique. Au total, c’est une forte croissance qui est requise, non une décroissance.

On peut objecter le scandale de l’accumulation non des moyens de production toujours plus performants, mais des stocks de marchandises correspondant à des besoins plus ou moins factices, et aussi des déchets et détritus… Cela indique simplement qu’une autre croissance que l’actuelle, un autre type d’encadrement du marché, un autre modèle de satisfaction des besoins, bref un modèle viable de développement durable, est nécessaire. Le problème qui se pose alors est celui des voies et moyens de la transition de notre système actuel vers le développement durable.